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Le harcèlement à l'école - Eric Debarbieux (Café pédagogique 26/11/13)

Le harcèlement à l'école : définition et conséquences 26 novembre 2013, 09:49

                         Le harcèlement à l'école : définition et conséquences

Texte d’Eric Debarbieux 

Qu’est-ce que le harcèlement à l’école ? 

Depuis 3 ans la France se mobilise enfin contre le harcèlement entre élèves. L’importance de ce problème a été mis en lumière dans notre pays par des enquêtes de victimation menées par l’Observatoire International de la Violence à l’école, en particulier en 2011 pour l’UNICEF. Cette enquête a montré que 10% environ des élèves en école primaire cumulaient la majorité des agressions et que 6 % pouvaient être considérés victimes d’un harcèlement sévère. 

Une autre enquête, avec une méthodologie semblable  menée par la DEPP (direction de l’évaluation, de la performance et de la prospective,Ministère de l’éducation nationale) cette fois auprès des collégiens a retrouvé les mêmes proportions : 6 à 7 % sont victimes de harcèlement. Des associations, des psychiatres, comme Nicole Catheline alertent depuis longtemps sur ce problème. De tristes faits-divers ont montré comment derrière ces violences banales pouvaient se cacher une immense souffrance.  

En effet, la tendance est trop souvent de minorer les microviolences qui forment la trame du harcèlement. De les considérer comme un« éternel enfantin », et de penser que les victimes « n’ont qu’à s'endurcir ». Cependant la recherche est précise, sur ce que sont ces violences et sur leurs conséquences.

Selon les divers chercheurs qui ont étudié le harcèlement entre pairs (ce que l’on nomme School Bullying dans les pays anglophones), il s’agit d’une violence à long terme,physique ou psychologique, perpétrée par un ou plusieurs agresseurs à l’encontre d’une victime qui est dans l’incapacité de se défendre, en position de faiblesse, l’agresseur agissant dans l’intention de nuire à sa victime.Peter Smith, un des meilleurs spécialistes anglais sur la question, le définit ainsi :

« Nous dirons qu’un enfant ou une jeune personne est victime de harcèlement lorsqu’un autre enfant ou jeune ou groupe de jeunes se moquent de lui ou l’insultent. Il s’agit aussi de harcèlement lorsqu’un enfant est menacé, battu, bousculé, enfermé dans une pièce, lorsqu’il reçoit des messages injurieux ou méchants. Ces situations peuvent durer et il est difficile pour l’enfant ou la jeune personne en question de se défendre. Un enfant dont on se moque méchamment et continuellement est victime de harcèlement ». 

Le harcèlement est une oppression de long terme, qui recouvre des agressions qui se cumulent et peuvent être physiques, verbales et psychologiques. L’importance du groupe dans le harcèlement doit être soulignée : la victime est isolée, moquée, sans recours. Elle est considérée différente, exclue. Cette différence peut toucher toutes sortes d’individus : trop bon élève, ou trop mauvais élève, pas de mon quartier,de mon origine sociale, ethnique, pas habillé à la mode ou porteurs de trop de talents. Peu importe : le harcèlement est une oppression conformiste.

Quelles conséquences ? 

Les effets du harcèlement sur les victimes ont été particulièrement étudiés. Ces conséquences peuvent être scolaires :décrochage scolaire, absentéisme, y compris chez les très bons élèves(l’enquête de la DEPP montre que 29 % des élèves français se plaignent qu’on se moque d’eux car ils sont bons élèves…). Environ un élève absentéiste chronique sur 4 ne vient plus à l’école par peur du harcèlement. 

Les conséquences sont aussi lourdes en termes de santé mentale : Les victimes de harcèlement subissent souvent anxiété et dépression, perte de l’estime de soi, malaises physiologiques et psychosomatiques. Dans les cas extrêmes, ils peuvent être suicidaires. Le harcèlement est très fortement relié à la dépression. Et cela n’est pas passager, le harcèlement à l’école marque la vie entière. Les études rétrospectives avec les adultes prouvent que certains effets peuvent être de long terme. Les enquêtes longitudinales montrent que la dépression, les idées suicidaires se prolongent des années durant. C’est donc un problème de santé publique autant que de sécurité.

Les harceleurs eux-mêmes ne sont pas gagnants : à terme la grande majorité d’entre eux, comme l'a montré une recherche de l’université de Cambridge, vivront des difficultés liées à l’emploi, des difficultés dans leur couple, voire pour 40 % d’entre eux des problèmes sérieux avec la loi. 

La violence ? C’est perdant-perdant.

Le harcèlement est un problème sérieux : il n’a rien de banal, rien de normal. Lutter contre le harcèlement à l’école est une priorité éducative dans un pays qui a fait sienne la valeur de la fraternité.

Eric Debarbieux

Un prochain article parlera des solutions pour lutter contre le harcèlement à l'école... Quelles seraient vos propositions en la matière ? Pour donner votre avis et poser vos questions, commentez cet article jusqu'à vendredi 29 novembre et partagez-le au plus grand nombre !  

 

*Eric Debarbieux est Professeur en Sciences de l’Éducation à l’université Paris-Est Créteil et membre de l’Observatoire international de la violence scolaire. Il a dirigé la recherche UNICEF ayant mis à jour l’importance du phénomène du harcèlement entre pairs en France et a été le responsable scientifique des Assises nationale contre le harcèlement à l’école. Il est aujourd'hui Délégué ministériel, chargé de la prévention et de la lutte contre les violences en milieu scolaire.

 

 



27/11/2013
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